Batterie de Fédérés sur le Trocadero, 1871
Batterie de Fédérés sur le Trocadero, 1871

Au journal Le Sémaphore de Marseille,

Le 23 mai 1871, l’armée accentue sa reconquête de Paris : la « Semaine sanglante » se poursuit. Deuxième lettre sur les champs de bataille d’un reporter d’exception : Émile Zola.

La victoire est radicale, décisive, inespérée. Hier, je ne pouvais croire encore à cette délivrance accomplie en quelques heures. Depuis si longtemps, nous nous traînons dans les calamités de toutes sortes, qu’on n’ose plus compter sur les dénouements heureux. L’armée a bien mérité de la patrie. Quelle épouvantable journée dans Paris ! La crise a éclaté avec une brusquerie qui a terrifié tout le monde.

Hier, depuis l’aube, la canonnade, la fusillade n’ont point cessé. Toutes les boutiques étaient fermées, les trottoirs restaient déserts ; de loin en loin apparaissaient quelques curieux effarés qui s’évanouissaient comme par enchantement dans le creux des portes à la moindre alerte. Par contre, certains quartiers gardaient toute leur animation. Les femmes, sur les portes, ne tarissaient pas en détails terribles. J’ai même vu, dans les cafés, des gens qui jouaient tranquillement au billard.

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Prise d’une barricade, Daniel Vierge

D’ailleurs, toujours la même confusion dans les nouvelles qui circulent.

Il est trop périlleux de s’avancer vers le théâtre de la lutte, et l’on est forcé de se contenter de la marche générale de l’action. Hier matin, le Trocadéro était pris, Passy se trouvait au pouvoir de l’armée qui avait fait quatre ou cinq mille prisonniers. Dès lors, la victoire immédiate était assurée. Le Trocadéro est comme le premier étage du Mont-Valérien ; il domine Paris, surtout le Paris de l’Hôtel de Ville qu’il pourrait réduire en cendres en quelques heures. Mais le mouvement de l’armée a été foudroyant, et le bombardement est devenu inutile. Les troupes débordaient par tous les côtés. Une colonne est allée prendre les insurgés à revers sur la rive gauche et a dégagé les portes d’Issy et de Vanves, tandis que le général Clinchant remontait vers l’Arc de Triomphe sur lequel il plantait le drapeau tricolore.

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De là, l’avenue des Champs-Élysées, les quais, le faubourg Saint-Honoré, toutes les voies ont donné passage aux troupes qui se sont mises à attaquer furieusement la place de la Concorde et les Tuileries.

C’est sur ce point que la bataille a été la plus chaude. On m’assure même que les fédérés auraient, de désespoir, fait sauter la barricade de la rue St-Florentin. Nous avons, en effet, entendu plusieurs explosions. On prétend aussi que l’École de l’état-major, rue Grenelle-St-Germain, aurait sauté hier soir. […]

Souvenirs de la Commune
Incendie de l'Hôtel de Ville, 1871, Edouard Toudouze

Je le répète, un résultat si rapide est inespéré. L’armée a eu un élan admirable. Mais quelle épouvantable lutte ! Toute la journée, de Montmartre aux Invalides, les mitrailleuses ont grondé ; de chaque rue s’élevaient des flots de fumée blanche qui roulaient doucement sur les toits des maisons, se déchirant aux cheminées. Les trottoirs étaient jonchés de cadavres ; dans le faubourg Saint-Honoré, le sang coulait comme l’eau des ruisseaux. C’est une étrange et affreuse sensation, ce crépitement de la fusillade dans la ville morne. Parfois le canon retentit sourdement, mais à de longs intervalles, comme si chacun des deux parties avait le respect instinctif de la grande cité meurtrie. La nuit a été plus épouvantable encore que la journée.

Toujours ces détonations sèches et déchirantes qui, dans l’ombre, ressemblent à des cris humains. On a attendu le jour avec une impatience fébrile. Personne n’a dormi dans Paris. Au moment où je vous écris, on m’affirme que l’Hôtel de Ville est pris, que la plupart des membres de la Commune sont arrêtés ; mais on ajoute que les farouches se sont retirés à Montmartre et à Belleville, et que, de là, ils bombardent Paris. J’entends, en effet, une forte canonnade et les obus qui passent sur ma tête, aux Batignolles, me disent que les batteries du château de Bécon cherchent à atteindre le feu de Montmartre. Cette résistance désespérée, ce bombardement odieux de Paris, lorsque la partie est perdue, constitue, à mes yeux, le plus grand crime qu’aient encore commis les misérables qui souillent la ville depuis deux mois.

D’ailleurs, la prise de Montmartre ne peut tarder ; elle sera sans doute un fait accompli, au moment où je vous enverrai cette lettre. Une artillerie formidable bat les Buttes sans relâche. Il faut que l’insurrection soit écrasée dans son berceau. Quand on raserait à coups de canon cet odieux quartier, il y a peu de Parisiens qui le pleureraient. Et, d’autre part, si ce bombardement demandait une excuse, on comprend qu’au point où en sont les choses, un dernier effort, fût-il désastreux, est absolument nécessaire pour la délivrance immédiate et complète de Paris. […]


Ils auraient arrêté plusieurs fuyards, entre autres le général Dombrowski (photo ci-contre), blessé grièvement, qu’ils auraient remis entre nos mains. Parmi les membres et les serviteurs de la Commune à cette heure dans les prisons de Versailles, on cite encore Assi, La Cécilia, Vermorel, Delescluze, etc. Mais un certain nombre de ces messieurs ont, paraît-il, réussi à disparaître. Ils doivent être cachés dans Paris, où il sera assez difficile de les retrouver. On se demande dans quelle cheminée peut bien grelotter le citoyen Félix Pyat, qui a l’art de ces sortes de disparitions prudentes.

Les fédérés ont déserté en masse. Des bataillons entiers se sont évanouis ; d’autres se sont rendus ; d’autres enfin ont passé au parti de l’ordre et gardent maintenant pour Versailles les portes qu’ils gardaient hier pour la Commune. On n’a pas voulu montrer de la méfiance envers ces braves, mais il est à croire qu’il sont surveillés de près. Un grand nombre de gardes nationaux se sont aussi rendus à Versailles, où ils ont été réorganisés et ramenés ensuite contre Paris ; ceux-là portent un brassard tricolore, pour qu’il n’y ait pas de malentendu.

Ce matin, la Banque a pu être occupée fortement, de façon à ce que ces messieurs de la Commune n’essaient pas de se sauver avec une petite fortune qui leur permettrait de vivre tranquillement à l’étranger. La débandade est complète, et malgré les précautions minutieuses qu’on a prises, il passera toujours quelque fretin entre les mailles du filet. Ceux-là se moqueront des maladroits qui paieront les pots cassés, je veux dire les maisons abattues et les colonnes détruites.

À ce propos, je vous dirai que la maison de M. Thiers est loin d’être par terre, et que la Colonne, encore étendue sur le sol, peut fort bien être réparée et remise debout. L’Assemblée nationale tiendra à honneur de relever ce monument.

Demain, j’espère vous annoncer la prise de Montmartre. Est-ce la dernière secousse pour notre malheureux pays ? Allons-nous enfin reprendre la vie d’un grand peuple, occupé seulement à panser ses blessures ?

Émile Zola
© 2018 Des Lettres

La maison de Thiers pendant sa démolition sous la Commune (Liebert, photo)

« Écrire ce livre, c’est revivre les jours terribles où la liberté nous frôlant de son aile s’envola de l’abattoir ;

c’est rouvrir la fosse sanglante où, sous le dôme tragique de l’incendie, s’endormit la Commune belle pour ses noces avec la mort, les noces rouges du martyre. Dans cette grandeur terrible, pour son courage à l’heure suprême lui seront pardonnés les scrupules, les hésitations de son honnêteté profonde. »
La Commune,
Louise Michel

Louise Michel, pendant la Commune de Paris 1871 (par Ernest-Charles Appert) dite « la Vierge rouge ». Militante anarchiste, communarde, insurgée, institutrice, écrivaine.

L’agonie de l’empire

Une armée allemande descendant la Meuse, les Français se replièrent sur Sedan. On lit à ce propos dans le rapport officiel du général Ducrot, — celui qui ne devait rentrer que mort ou victorieux, mais ne fut ni l’un ni l’autre :

Cette place de Sedan avait son importance stratégique puisque, se ralliant à tous par Mézières et l’embranchement d’Huson, elle était l’unique moyen de ravitaillement d’une armée opérant par le nord sur Metz, était à peine à l’abri d’un coup de main ; ni vivres ni munitions, ni approvisionnements d’aucune sorte ; — quelques pièces avaient trente coups à tirer, d’autres six, mais la plupart manquaient d’écouvillons.

Le 1er septembre, les Français furent enveloppés et broyés comme en un creuset par l’artillerie allemande qui occupait les hauteurs.
Le 2 septembre, dans la brume du soir, l’armée victorieuse debout sur les hauteurs chanta un cantique d’actions de grâces au dieu des armées, qu’invoquaient également Bonaparte et Trochu.
Les mélodieuses voix allemandes, toutes pleines de rêve, planèrent inconscientes sur le sang versé.
Napoléon III ne voulut pas des chances du désespoir, il se rendit et avec lui plus de quatre-vingt mille hommes, les armes, les drapeaux, cent mille chevaux, 650 pièces de canon.
L’Empire était fini et si profondément enseveli, que rien jamais n’en peut revenir.
L’homme de décembre aboutissant à l’homme de Sedan entraînait avec lui toute la dynastie.

Dès le matin [du 3 septembre], un jeune homme […] affirmant qu’il venait de lire le désastre sur l’affiche, allait être assommé sur place, quand un des assaillants, qui, celui-là, était de bonne foi, levant par hasard les yeux, aperçut la proclamation suivante que tout Paris lisait en ce moment avec stupeur.

Le conseil des ministres au peuple français.
Un grand malheur a frappé la patrie. Après trois jours d’une lutte héroïque soutenue par l’armée du maréchal Mac-Mahon, contre trois cent mille ennemis, quarante mille homme ont été faits prisonniers !
Le général Wimpfen qui avait pris le commandement de l’armée en remplacement du maréchal Mac-Mahon, gravement blessé, a signé une capitulation : ce cruel revers n’ébranle pas notre courage.
Paris est aujourd’hui en état de défense, les forces militaires du pays s’organisent ; avant peu de jours, une armée nouvelle sera sous les murs de Paris.
Une autre armée se forme sur les rives de la Loire.
Votre patriotisme, votre union, votre énergie, sauveront la France.
L’Empereur a été fait prisonnier pendant la lutte.
Le gouvernement, d’accord avec les pouvoirs publics prend toutes les mesures que comporte la gravité des événements.
Le Conseil des Ministres,
Comte de Palikao, Henri Chevreau, Amiral Rigault de Genouilly, Jules Brame, Latour-d’Auvergne, Grandperret, Clément Duvernois, Magne, Busson, Billot, Jérôme David.

La guerre. – Dépêches officielles

Voici quels étaient les renseignements envoyés des provinces de l’Est au ministère de la Guerre, lequel assurait que pas un bouton de guêtres ne manquait à l’armée et faisait bon marché des réclamations.

Metz, 10 juillet 1870.
Le général de Failly me prévient que les 17e bataillons de son corps d’armée sont arrivés et je transcris ci-après sa dépêche qui a un caractère d’urgence.
Aucunes ressources, point d’argent dans les caisses, ou dans les corps, je réclame de l’argent sonnant. Nous avons besoin de tout sous tous les rapports. Envoyez des voitures pour les états-majors ; personne n’en a, envoyez aussi les cantines d’ambulance.

Le 20 juillet suivant, l’intendant général Blondeau, directeur administratif de la guerre, écrivait à Paris.

Metz, le 20 juillet 1870, 9 heures 50 du matin.
Il n’y a à Metz ni sucre ni café, ni riz ni eau-de-vie, ni sel ; peu de lard et de biscuit. Envoyez d’urgence au moins un million de rations sur Thionville.

Le général Ducrot, le même jour écrivait au ministère de la guerre.

Strasbourg, 20 juillet 1870, 7 heures 30 du soir.
Demain, il y aura à peine cinquante hommes pour garder la place de Neuf-Brissac et le fort Mortier. — La Petite Pierre et Lichlemberg sont également dégarnis ; c’est la conséquence des ordres que nous exécutons. Il paraît positif que les Prussiens sont déjà maîtres de tous les défilés de la Forêt Noire.

La série se continue, en juillet et août, sans interruption ; y eut-il fatalité, affolement, ignorance ? Les dépêches avouent l’incurie.

Sous-intendant à guerre, 6e division, bureau des subsistances, Paris.
Mézières, 25 juillet 1870, 9 heures 20 du matin.
Il n’existe aujourd’hui dans la place de Mézières ni biscuits, ni salaisons.
Colonel directeur Parc, 3e corps,
à directeur artillerie, ministère de la guerre. Paris.
Les munitions de canons à balles n’arrivent pas.
Major général à guerre, Paris.
Metz, le 27 juillet 1870, 1 h. 1/4 du soir.
Les détachements qui rejoignent l’armée continuent à arriver sans cartouches et sans campement.
Major général à guerre, Paris.
Metz, le 29 juillet 1870, 5 h. 36 matin.
Je manque de biscuits pour marcher en avant.
Le Maréchal Bazaine, au général Ladmirault, à Thionville.
Boulay, 30 juillet 1870.
Vous devez avoir reçu la feuille de renseignements n°5, par laquelle on vous avise de grands mouvements de troupes sur la Sarre, et de l’arrivée du roi de Prusse, à Coblentz. J’ai vu hier l’empereur à Saint-Cloud ; rien n’est encore arrêté sur les opérations que doit entreprendre l’armée française. Il semble cependant que l’on penche vers un mouvement offensif en avant du 3e corps.

C’était à ce moment même que Rouher disait à, son souverain : Grâce à vos soins, sire, la France est prête !


La République du 4 septembre

Paris ne s’attarda pas à s’inquiéter de Napoléon III, la république existait avant d’être proclamée.
Et plus haut que la défaite dont la honte était à l’Empire, l’évocation de la République mettait une lueur sur tous les visages, l’avenir s’ouvrait dans une gloire.
Une mer humaine emplissait la place de la Concorde.
Au fond étaient en ordre de bataille les derniers défenseurs de l’Empire, gardes municipaux et sergents de ville se croyant obligés d’obéir à la discipline du coup d’État, mais on savait bien qu’ils ne pourraient le réveiller d’entre les morts.
Vers midi, arrivèrent, par la rue Royale, des gardes nationaux armés.
Devant eux, les municipaux sabre au clair se formèrent en bataillon serré : — ils se replièrent avec les sergents de ville quand les gardes nationaux s’avancèrent baïonnette au canon.

Alors il y eut un grand cri dans la foule, une clameur monta jusqu’au ciel comme semée dans le vent : Vive la République !
Les sergents de ville et les municipaux entouraient le corps législatif, mais la foule envahissante, allait jusqu’aux grilles criant : Vive la République !
La République ! c’était comme une vision de rêve ! Elle allait donc venir ?
Les sabres des sergents de ville volent en l’air, les grilles sont brisées, la foule et les gardes nationaux entrent au corps législatif.
Le bruit des discussions se répand jusqu’au dehors, coupé de temps à autre par le cri : Vive la République ! Ceux qui sont entrés jettent par les fenêtres, des papiers sur lesquels sont les noms proposé des membres du gouvernement provisoire.


La République du 4 septembre (suite)

Les conditions de la paix étaient : la cession de l’Alsace et d’une partie de la Lorraine avec Metz.
Le paiement en trois années, de cinq milliards d’indemnités de guerre.
L’occupation du territoire jusqu’à parfait paiement des cinq milliards.
L’évacuation à mesure, et en proportion des sommes versées.
Le 27 février, le bruit se répandit dans Paris de l’entrée de l’armée allemande.
Aussitôt les Champs-Élysées furent couverts de gardes nationaux. Le rappel battait dans la nuit.
On se ressouvint qu’à la place Wagram il y avait des canons que les gardes nationaux des faubourgs avaient achetés par souscriptions, et qui leur appartenaient, pour la défense de Paris.
À la place des Vosges, également, étaient des canons achetés par les bataillons du Marais, chaque quartier avait les siens. Hommes, femmes, enfants s’attelèrent ; les pièces de Montmartre roulées jusqu’au boulevard Ornano, sont montées sur la butte.
Belleville et la Villette traînent les leurs aux buttes Chaumont.

Les pièces du Marais sont laissées place des Vosges. C’est le meilleur endroit pour un parc d’artillerie.
Deux mille gardes nationaux se réunissent au comité central. On prépare les affiches suivantes pour le lendemain.

La garde nationale proteste, par l’organe de son comité central, contre toute tentative de désarmement, et déclare qu’au besoin elle y résistera par les armes.
Le Comité central de la garde nationale.

Ce manifeste fut affiché le lendemain 28 [février] ainsi que le suivant.

Les révolutionnaires ne voulant pas faire inutilement égorger une partie de la population,
Le sentiment de la population paraît de ne pas s’opposer à l’entrée des Prussiens dans Paris. Le comité central qui avait émis une opinion contraire déclare qu’il se rallie à la proposition suivante :
Il sera établi autour des quartiers que doit occuper l’ennemi, une série de barricades destinées à isoler complètement cette partie de la ville.
Les habitants de la région circonscrite dans ses limites devront l’évacuer immédiatement.
La garde nationale, de concert avec l’armée formée en cordons tout autour, veillera à ce que l’ennemi ainsi isolé sur un sol qui ne sera plus notre ville, ne puisse en aucune façon communiquer avec les parties retranchées de Paris.
Le comité central engage la garde nationale à prêter son concours à l’exécution des mesures nécessaires à ce but, et à éviter toute agression qui serait le renversement immédiat de la République.
Le Comité central de la garde nationale.

L’hécatombe

La Commune était morte, ensevelissant avec elle des milliers de héros inconnus.
Ce dernier coup de canon a double charge énorme et lourd ! Nous sentions bien que c’était la fin, mais tenaces comme on l’est dans la défaite, nous n’en convenions pas.
Comme je prétendais en avoir entendu d’autres, un officier qui était là, pâlit de fureur, ou peut-être de crainte, que ce ne fut la vérité.
Ce même dimanche 28 mai, le maréchal Mac-Mahon fit afficher dans Paris désert :

Habitants de Paris,
L’armée de la France est venue vous sauver ! Paris est délivré, nos soldats ont enlevé en quatre heures les dernières positions occupées par les insurgés : Aujourd’hui la lutte est terminée, l’ordre, le travail, la sécurité vont renaître.

Le maréchal de France commandant en chef
Mac-Mahon, duc de Magenta.


La fin

Un ancien officier d’infanterie de marine, nommé Ducatel, traître, encore sans emploi, rôdait, cherchant pour en avertir Versailles, les côtés faibles de la défense de Paris ; avec le peu d’hommes dont on disposait, il ne doutait pas d’en trouver. Il remarqua que la porte de Saint-Cloud était sans défense, et avec un mouchoir blanc appela un poste de l’armée de l’ordre.
Un officier de marine se présenta, au même moment, les batteries versaillaises cessèrent le feu, et par petits pelotons les soldats pénétrèrent dans Paris.
La cessation du feu ne fut pas remarquée de suite, l’oreille y était si accoutumée que plusieurs semaines après la défaite, on croyait encore l’entendre. Enfin on s’aperçut de cette cessation de feu. Quelques-uns en tiraient favorable augure  à d’autres cela semblait étrange.
Réunis au Mont-Valérien, M. Thiers, Mac-Mahon, l’amiral Pothuau télégraphiaient partout.

21 mai 7 heures du soir.
La porte de Saint-Cloud vient de s’abattre sous le feu de nos canons, le général Douay s’y est précipité ; il entre en ce moment dans Paris avec ses troupes. Les corps des généraux Ladmirault et Clinchamp s’ébranlent pour les suivre.
A. Thiers.

Vingt-cinq mille hommes de Versailles, par trahison et sans combat, couchèrent cette nuit-là dans Paris.


La lutte dans Paris. - L’égorgement

[…] tandis que, donnant de la voix dans la chasse abominable contre Paris, les journaux de l’ordre, à Versailles, inséraient de lâches appels à l’égorgement :

Moins d’érudition et de philanthropie, messieurs, mais plus d’expérience et d’énergie ; si cette expérience n’a pu monter jusqu’à vous, empruntez celle des Victimes !
Nous jouons la France, en ce moment : le temps est-il aux morceaux de littérature ? Non, mille fois non ; nous savons le prix de ces morceaux-là !
Faites un peu ce que les grands peuples énergiques feraient en pareil cas :
Pas de prisonniers !

Si, dans le tas, il se trouve un honnête homme réellement entraîné de force, vous le verrez bien ; dans ce monde-là, un honnête homme se désigne par son auréole.
Accordez aux braves soldats liberté de venger leurs camarades en faisant, sur le théâtre et dans la rage de l’action, ce que de sang-froid ils ne voudraient plus faire le lendemain.
(Journal de Versailles, 3e semaine d’avril 1871)

À cette besogne, qui devait être faite seulement dans la rage du combat, on employa l’armée, ivre de mensonges, de sang et de vin ; l’assemblée et les officiers supérieurs sonnant l’hallali. Paris fut servi au couteau.