Train à vapeur au pont de Courcelles sur la Petite Ceinture, XVIIe arrondissement

« Aucune compagnie ne possède à elle seule le matériel suffisant pour effectuer avec rapidité le transport d’un corps de troupes tel que pourraient l’exiger, dans certains cas, les besoins du service intérieur de la défense du territoire. Il est donc indispensable de créer le moyen de réunir sur une ligne le matériel d’une ou plusieurs autres. »

Pierre Magne, ministre des Travaux publics, 1851

Les transits de marchandises passant par Paris entre les gares des différentes compagnies de chemin de fer sont assurés par de lourds charrois à traction animale. La nécessité d’une liaison ferroviaire à l’intérieur même de Paris entre les gares parisiennes s’impose.

De plus, pour des raisons stratégiques de défense de Paris, la nouvelle enceinte nécessite une infrastructure de soutien logistique indispensable à la ville en cas de siège qui ne peut se faire que par une liaison circulaire fermée longeant l’enceinte. Enfin, le chantier de la petite Ceinture permet d'endiguer le chômage dans le cadre des travaux nationaux dès décembre 1851.

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La gare des Batignoles, XVIIe arrondissement

Le chemin de Rive Droite (15km)

Les travaux du chemin de Rive Droite commencent en décembre 1851.

De décembre 1852 à mars 1854, la ligne s’ouvre au trafic de marchandises de la gare des Batignolles (ouverte en 1844) à la Chapelle puis de la Chapelle à Ivry et assure un service de voyageurs à partir de 1862. La ligne traverse des terrains agricoles, mais à partir de 1886, les passages à niveau seront supprimés et remplacés par des tunnels ou des ouvrages d’art.

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Dédiée aux marchandises, elle assure un service de voyageurs à partir de 1862

De décembre 1852 à mars 1854, la ligne s’ouvre au trafic de marchandises de la gare des Batignolles (ouverte en 1844) à la Chapelle puis de la Chapelle à Ivry et assure un service de voyageurs à partir de 1862. La ligne traverse des terrains agricoles, mais à partir de 1886, les passages à niveau seront supprimés et remplacés par des tunnels ou des ouvrages d’art.

Suppression des passages à niveau dans les XVIIe et XVIIIe arrondissements, novembre 1888
Un train circulaire ayant pour points de départ et d’arrivée la gare du Nord au départ pour la station Maison-Blanche. Au fond, le bâtiment voyageurs de la station de l’Orléans-Ceinture

La ligne d’Auteuil (8 km)

La ligne d’Auteuil s’adresse dès sa conception aux voyageurs. Elle est mise en service en mai 1854, part de l’actuel Pont Cardinet, dessert les communes de Neuilly, Passy et Auteuil et permet une liaison vers le bois de Boulogne.

La gare d'Auteuil, XVIe arrondissement. La gare couverte par une verrière au niveau des voies, le pont métallique et le viaduc avec un train, Michel Charles Fichot
Deux trains circulent sur les voies d'Auteuil en contrebas des immeubles, Gösta Wilander, 1960-1970

1861, Le chemin de Rive Gauche

En juin 1861, l’État déclare d’utilité publique la construction du chemin de Rive Gauche. La ligne relie le sud d’Auteuil à Ivry pour le transport de voyageurs et le trafic de marchandises, en lien avec les sites de Grenelle, Vaugirard et Glacière, elle est en service en février 1867 en même temps que l’embranchement Grenelle - Champ-de-Mars, réalisé pour l’Exposition Universelle de 1867.

Enfin, en mars 1869, le raccordement entre la ceinture de Rive Droite (Clichy) et la ligne d’Auteuil (Courcelles) est mis en service. Longue de 32 km, la boucle est fermée.

1870, la guerre

Pendant toute la durée de la guerre, du 16 juillet 1870 au 17 mars 1871, le chemin de Ceinture a transporté près de 800 000 hommes allant d’un poste à un autre, mais sans que l’on ait eu à effectuer un mouvement militaire social d’une certaine importance. En 1878, le général Ducrot résume : « Pendant les dernières semaines d’agonie, on ne se bat plus… on se débat… effort incohérent, convulsif, d’une défense sans espoir. (…) Dès leur arrivée sous Paris, les Allemands s’étaient bornés à faire un immense blocus, ensuite ils avaient élevé de puissantes et inexpugnables lignes d’investissement ; maintenant ils braquent leur formidable artillerie contre nos forts, nos monuments, nos maisons… (…) le 25 décembre 1871, le roi de Prusse annonce à ses troupes comme cadeau de Noël le bombardement de Paris ! Le 27 décembre, au milieu d’un ouragan de neige, 73 pièces subitement démasquées à Gagny, au Raincy, à Noisy-le-Grand, couvrent d’une masse de feu toutes nos défenses de l’Est… »

Août 1944

Les Allemands utilisent la gare Belleville-Villette comme dépôt d’essence. Elle est fortement protégée par un blockhaus et des mitrailleuses. Selon Charles Petit, FFI, le 22 août à 16h, un wagon de munitions est signalé sous le pont de la rue Manin alors qu’un autre train est à la manœuvre dans la gare Belleville-Villette. Le train remorque le wagon sous le tunnel des Buttes-Chaumont, mais dans la nuit un autre train, venant de la gare de Bercy, est “mal aiguillé” par les cheminots de la gare de Ménilmontant et vient percuter le convoi qui s’était abrité dans le tunnel.

Le lendemain, la gare de Ménilmontant est occupée sans difficulté tandis que celle de Belleville-Villette résiste jusqu’à 11h au prix de pertes sévères. Deux camions allemands arrivent en renfort, ils sont repoussés ; un train de troupes arrive par le Nord, il est stoppé par les rails déboulonnés. Les Allemands tentent plusieurs sorties. Un parlementaire FFI est abattu. Deux cents kilos de souffre sont préparés pour enfumer les soldats pris au piège dans le tunnel. Ils finissent par se rendre. Butin : trente-sept prisonniers, quatorze wagons d’armement, matériels de guerre et d’habillement.

La gare du pont de Flandre, l’une des plus fréquentées de la Petite Ceinture, devenue La Gare Jazz en septembre 2019, xixe arrondissement

Une concurence fatale

Avec la réalisation du métropolitain, le nombre de voyageurs de la petite Ceinture diminue de manière spectaculaire (39 millions en 1900, 14 millions en 1913 et 7 millions en 1927). Le viaduc d’Auteuil est endommagé au cours de la deuxième Guerre Mondiale et démoli en 1960, puis remplacé par le pont du Garigliano et le boulevard Exelmans au bénéfice de la circulation générale. La continuité du tracé de la petite Ceinture est alors interrompue. Après la fermeture du trafic voyageurs en 1934, le trafic marchandises a lui aussi été abandonné, sauf exception ponctuelle sur certains tronçons.

Plus d’un hectare de Petite Ceinture en contrebas du parc des Buttes-Chaumont disponible pour un projet atypique ?
Ancienne gare de Ménilmontant, XXe arrondissement, avant sa destruction, février 1969.

Une reconversion partielle

Sa partie Ouest est aujourd’hui empruntée par le RER C. Dans les années 80, le trafic ferroviaire voyageur de la Petite Ceinture continue d'être utilisé pour accueillir des trains internationaux en interconnexion entre les faisceaux nord, est et gare de Lyon. Entre 1934 et 1985, le tronçon entre Porte de Clichy et Henri Martin était utilisé pour relier Pont Cardinet à Auteuil, et depuis 1988, est relié à la branche Argenteuil/Montigny de la ligne C du RER. Pour le reste : circulation épisodique de trains à vocation touristique ou patrimoniale, test des rames Meteor sur le site de Glacière Gentilly ou encore du système de transport en commun Aramis sur 1 500 m de voies au droit du boulevard Victor.

Après l’arrêt de la circulation ferroviaire, la petite ceinture est restée longtemps abandonnée. Aujourd’hui, un nombre important d’activités utilise le patrimoine bâti, l’infrastructure elle-même, ses surlargeurs ainsi que quelques espaces interstitiels entre l’emprise ferroviaire et le bâti limitrophe : graffiti, promenades (photo ci-contre) ou habitat précaire, et temporairement jardins, activités commerciales et ateliers d’artistes. Des sentiers nature sont ouverts dans les XIIe et XVIe arrondissements, ainsi qu’une nouvelle promenade dans le XVe arrondissement ; des jardins partagés sont créés dans les XIVe et XVIIIe arrondissements.

Billet de train de la Petite Ceinture