Histoire des fortifications
Les projets qui s'y sont succédés
jusqu’à la création du boulevard périphérique.
Pendant de nombreuses années je pris le train quotidiennement en direction de la Gare Saint-Lazare. À l’approche de Paris, dès que je passais le dernier méandre de la Seine pour la plaine de Clichy, je mettais mes sens en éveil pour ne rater en aucun cas ce seul petit plaisir que pouvait me procurer le train de banlieue. Je guettais l’approche du périphérique avant le passage des Maréchaux. La “vision” allait être furtive : perpendiculairement aux voies de chemin de fer, se dressait un mur d’apparence ancienne.
Que pouvait être cet ouvrage de 300 mètres de long qui semblait enfermer deux bâtiments du xixe siècle ? Un matin, je me décidai enfin à le scruter de près et lorsque je vis gravée dans la pierre l’inscription « bastion n° 44, construit en 1841-1842 », j’entrepris d’en savoir plus.
Quel rapport avec le Périphérique tout près ? Pourquoi cette enceinte ?
Laurent Baziller
L’histoire de Paris est une histoire lente, faite de conflits.
Elle se déploie sur des théâtres parfois très lourds comme celui de cet anneau occupé pendant plusieurs décennies par les fortifications dites d’Adolphe Thiers, ministre de Louis-Philippe, construites entre 1840 et 1844, puis désaffectées et détruites de 1919 à 1929.
Bien que couteux et obsolète, le choix de ces fortifications s'explique aussi par le fait que la grande majorité des parlementaires gouvernementaux qui interviennent dans le débat sont des militaires ou d’anciens militaires, qui appuient leur raisonnement sur des arguments d’autorité et de compétence technique.
Il coïncide encore aujourd’hui avec la ceinture d’habitations de briques rouges, des anciens bastions et de l’anneau du boulevard périphérique bordé d’équipements publics et d’ensembles modernes.
Transformée par le périphérique ouvert entre 1956 et 1973, la ceinture de Paris constitue aujourd’hui une extraordinaire scène architecturale et un lieu assez étrange. Cette ceinture aura été pendant toutes ces décennies, une espèce d’incroyable cimetière de projets, de rêves et de tentatives politiques avortées. Depuis l’enceinte de Charles V jusqu’à celle construite dans les années 1840, Paris se développe de l’intérieur en poussant sur ses limites successives.
La dernière enceinte qui précèdait celle de Thiers, était l’enceinte des Fermiers Généraux créée dans les années 1780.
Ce n’était pas un mur défensif, mais un mur d’octroi. Sa désaffection, lorsque la nouvelle enceinte est créée, va développer autour de lui un nouveau tissu urbain particulier, que l’on trouve aujourd’hui pour l’essentiel au droit du viaduc du métro aérien. Il en ira de même avec la ceinture de Thiers, lorsque l’enceinte des Fermiers Généraux sera détruite.
Projet dénué de toute référence urbanistique, la construction des fortifications de Paris illustre de façon exemplaire la façon dont des travaux d’essence militaire, dans un espace rural, conditionne durablement la structuration et la croissance de l’agglomération parisienne. En s’arrêtant aux fortifications en 1860, Paris s'agrandit avec les nouveaux territoires, mais ignore la banlieue.